Politique et vie en FranceLes sujets chauds qui attendent le gouvernement du Savoyard Michel Barnier
Plusieurs dossiers sensibles ont été mis en suspens en raison des deux mois de vacance du pouvoir exécutif. Les frontaliers et les Suisses qui résident dans l’Hexagone sont peu ou prou concernés.
Depuis sa nomination le 5 septembre au poste de premier ministre, Michel Barnier «consulte», selon la formule consacrée. Le Savoyard (lire l’encadré plus bas) doit trouver celles et ceux qui vont composer son futur gouvernement.
Ce mercredi matin 11 septembre, lors d’un déplacement à Reims, dans la Marne (nord de la France), il a promis un nouveau gouvernement «pour la semaine prochaine». Son entourage a toutefois précisé que la date de la semaine prochaine constitue «un objectif mais (…) ne doit pas être une contrainte».
Dès qu’elle sera constituée (lire aussi plus bas), la nouvelle équipe de ministres va devoir se mettre au travail sur les chapeaux de roues. Au cours des deux derniers mois, la vacance du pouvoir exécutif a contraint à mettre en suspens un certain nombre de dossiers importants *. Ceux-ci concernent, plus ou moins, tous ceux qui résident en France, y compris les travailleurs frontaliers en Suisse et les Helvètes qui ont élu domicile outre-Jura.
Assurance chômage
À compter du 1er décembre 2024, les conditions pour bénéficier de l’assurance chômage vont être durcies. Du moins, c’est ce qui était prévu avant la crise politique créée par la décision du président Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale française. Car, depuis, la réforme controversée est suspendue. Et les règles en vigueur actuellement ont été prolongées jusqu’au 31 d’octobre.
La réforme prévoit (parmi ses principales mesures) de modifier les règles d’affiliation: à terme, pour être indemnisé, il faudra avoir travaillé 8 mois sur les 20 derniers mois, contre 6 mois au cours des 24 derniers mois aujourd’hui. Elle prévoit aussi de réduire la durée maximale d’indemnisation à 15 mois pour les moins de 57 ans à terme, contre 18 mois pour les moins de 53 ans, 22,5 mois pour les 53-54 ans et 27 mois pour les 55-57 ans aujourd’hui. Pour les chômeurs âgés de 57 ans ou plus, la durée d’indemnisation maximale passerait de 27 mois actuellement à 22,5 mois à terme.
Cette réforme vise à favoriser le retour à l’emploi des chômeurs. Elle est aussi dictée par des raisons économiques et financières: elle doit dégager 3,6 milliards d’euros (soit environ 3,4 milliards de francs) d’économies pour l’Unédic, l’organisme chargé de la gestion de l’Assurance chômage en France.
La réforme concerne aussi les frontaliers domiciliés en France, qu’ils soient français, suisses ou européens. En effet, selon les accords européens, les travailleurs frontaliers, en cas de chômage, sont indemnisés par l’État dans lequel ils résident, et non pas par celui dans lequel ils exercent.
Retraites
C’est l’autre dossier sensible, qui concerne aussi les travailleurs frontaliers qui n’ont pas ou ne vont pas réaliser l’intégralité de leur carrière en Suisse, mais qui ont ou vont exercer également en partie en France, avant ou après leur prise d’emploi en Suisse.
La réforme de la retraite, entre autres mesures, a porté l’âge légal de départ de 62 à 64 ans et a modifié la durée de cotisation de 42 à 43 ans pour percevoir une pension à taux plein. Nous utilisons ici le passé composé, car cette réforme est déjà entrée en vigueur le 1er septembre 2023. Mais la Gauche et le Rassemblement national (extrême droite) veulent l’abroger. Et certains syndicats appellent à manifester le 1er octobre contre cette réforme, notamment. Pour sa part, Michel Barnier affirme vouloir «ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles».
Hôpitaux
Ceux qui vivent en France le savent et en subissent parfois les conséquences: le système public de santé est malade depuis plusieurs années, entre un hôpital public sous-financé et des services d’urgences en crise. À ces problèmes s’ajoutent, dans les régions frontalières à la Suisse, de vives tensions sur le personnel qualifié, qui préfère traverser la frontière pour des salaires en francs plus élevés et des conditions de travail meilleures.
La préparation du budget de la Sécurité sociale, dont le déficit se creuse, a également pris du retard. Plusieurs chantiers pour résorber la désertification médicale sont à l’arrêt, comme une réforme du métier d’infirmière ou l’expérimentation de l’accès direct aux médecins spécialistes (sans passer au préalable par un médecin généraliste).
Enseignement
L’Éducation nationale aussi est en crise en France. C’est notamment le cas en matière de recrutement. Une réforme de la formation initiale des enseignants est prévue. Son but est de renforcer l’attractivité des métiers de l’enseignement dans le public. Le projet doit entrer en vigueur à la rentrée de 2025. Mais il a aussi subi un coup d’arrêt.
Congé de naissance
À la mi-janvier dernier, Emmanuel Macron a annoncé le projet de congé de naissance. Ce congé est destiné aux deux parents, à raison de trois mois chacun. Le dispositif doit remplacer le congé parental actuel, qui est peu utilisé. Prévu pour entrer en vigueur à la fin de 2025, le projet est lui aussi suspendu.
Et aussi…
Bas salaires La vacance de pouvoir a enrayé le processus de négociations entre partenaires sociaux par lequel le gouvernement voulait s’attaquer à cette question, alors que le pouvoir d’achat est devenu un sujet très sensible en France depuis la crise des Gilets jaunes.
Aide à mourir L’instauration de cette mesure, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, est aujourd’hui en suspens. Elle a pourtant commencé son parcours à l’Assemblée nationale.
Budget de l’État 2025 Il doit être déposé au Parlement le 1er octobre au plus tard. Afin d’«assurer la continuité de l’État», le gouvernement démissionnaire du désormais ancien premier ministre Gabriel Attal a préparé une trame pour son successeur.
Énergie La filière énergétique attend des arbitrages sur les investissements dans la production d’électricité. Faut-il financer avec l’argent public la construction de nouveaux réacteurs nucléaires ou favoriser les énergies renouvelables? Cette question est capitale pour l’économie, en particulier pour l’industrie. On attend toujours un décret pour appliquer le calendrier fixant pour 2035 la feuille de route nationale pour lutter contre le changement climatique.
Monde rural Le gouvernement a annoncé plus d’un milliard d’euros de mesures et d’aides diverses après la grave crise qui a secoué le secteur agricole en début d’année. Mais plusieurs projets de loi censés les appliquer ont été suspendus depuis la dissolution de l’Assemblée nationale.
Corse Les nationalistes attendent que Michel Barnier rouvre les discussions sur l'autonomie de l’île de Beauté. En mars dernier, le gouvernement français et des élus corses sont tombés d'accord sur un projet d'«écriture constitutionnelle» prévoyant «la reconnaissance d'un statut d'autonomie» du territoire insulaire «au sein de la République».
Nouvelle-Calédonie/Kanaky Les indépendantistes réclament l’abrogation d’une réforme contestée modifiant la composition du corps électoral local. Voté en mai, ce texte avait embrasé cet archipel situé dans l’océan Pacifique, près de l’Australie.
Mayotte Cet autre archipel, situé près de l’Afrique dans l’océan Indien, attend deux projets de loi préparés par le gouvernement sortant de Gabriel Attal; le premier pour répondre aux crises sécuritaire, migratoire et sanitaire, et le second pour supprimer le droit du sol. Les deux textes sont passés à la trappe, alors que les problèmes demeurent.
* Sources pour cet article: Agence France Presse (AFP) et divers médias.
NB: mercredi 11 septembre 2024 à 16 h 55; ajout dans le second alinéa du texte principal de la promesse du nouveau premier ministre Michel Barnier de présenter un nouveau gouvernement «pour la semaine prochaine».
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