Musée d’art et d’histoire de GenèveMeurtrie, Gaza expose son âme à Genève
«Patrimoine en péril» : des dizaines d’artefacts issus de Gaza sont exposés au Musée d’art et d’histoire de Genève.
Dévastée par un an de guerre, la bande de Gaza donne à voir en Suisse une partie de son patrimoine archéologique, avec l’exposition de dizaines d’artefacts issus de son sol, pour faire perdurer son âme et son identité.
Amphore, statuette, stèle funéraire, jarre, lampe à huile, figurine… la nouvelle exposition «Patrimoine en péril» du Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) présente 44 objets issus du sol de Gaza, propriété de l’Autorité palestinienne, aux côtés de quelques dizaines d’autres artefacts du Soudan, de Syrie et de Libye.
«C’est une partie de l’âme de Gaza. C’est même l’identité. Le patrimoine, c’est vraiment l’histoire de cette bande de terre, l’histoire des gens qui l’habitent», a expliqué à l’AFP Béatrice Blandin, commissaire de l’exposition, qui se tient du 5 octobre au 9 février prochains.
Les 44 objets font partie d’une vaste collection de plus de 530 objets se trouvant dans des caisses dans un hangar sécurisé à Genève depuis 2007.
Responsabilité des musées
Organisée à l’occasion des 70 ans de la signature à La Haye de la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, l’exposition se penche sur la responsabilité des musées dans la protection des biens culturels face aux destructions, pillages et conflits, et rappelle que la destruction délibérée du patrimoine est un crime de guerre.
«Les forces obscurantistes ont bien compris que les biens culturels sont un enjeu de civilisation car elles n’ont cessé de vouloir détruire ce patrimoine, comme à Mossoul», a déclaré Alfonso Gomez, membre de l’Exécutif de la Ville de Genève.
«En cas de conflit, malheureusement, beaucoup d’agresseurs s’en prennent au patrimoine culturel parce que c’est évidemment effacer l’identité d’un peuple, effacer son histoire.» Mais «heureusement, il y a des musées, des règles et des conventions qui protègent ces patrimoines», a relevé le directeur du MAH, Marc-Olivier Wahler.
Depuis l’offensive militaire lancée par Israël sur la bande de Gaza en représailles à l’attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023, les sites culturels paient un lourd tribut.
Au 17 septembre, l’Unesco avait observé des dommages sur 69 sites culturels depuis le début de la guerre, en se fondant sur des images satellitaires: dix sites religieux, 43 bâtiments d’intérêt historique et/ou artistique, sept sites archéologiques, six monuments, deux dépôts de biens culturels mobiliers et un musée.
Valeur patrimoniale
Au moment où le patrimoine culturel palestinien est «plus que jamais victime de destructions, la valeur patrimoniale des objets gazaouis conservés à Genève paraît d’autant plus grande», relève le musée.
Ces vestiges, évoquant la vie quotidienne, civile et religieuse depuis l’âge du bronze jusqu’à l’époque ottomane, étaient arrivés en 2006 à Genève pour être présentés dans l’exposition «Gaza à la croisée des civilisations», inaugurée par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
Ces biens appartenaient à l’Autorité palestinienne et à l’entrepreneur palestinien Jawdat Khoudary, qui lui a cédé les siens en 2018. Mais depuis dix-sept ans, ces objets, qui devaient constituer le futur musée archéologique de Gaza, sont coincés à Genève. Les conditions d’un retour en toute sécurité n’ont jamais pu être réunies.
«Au moment où les objets devaient repartir, il y a eu la prise de possession du Hamas dans la bande de Gaza et des tensions géopolitiques entre la Palestine et Israël», a expliqué Mme Blandin.
«C’est le hasard des circonstances», a-t-elle dit. Ce contretemps a au final permis de sauver des biens «d’une importance majeure» alors que le reste de la collection privée de M. Khoudary qui était restée à Gaza «a été totalement détruite».
Refuge
À la suite d’un nouvel accord de coopération signé en septembre dernier entre l’Autorité palestinienne et Genève, la Ville s’est engagée à veiller sur ce patrimoine aussi longtemps que possible.
Le MAH avait déjà servi de refuge en 1939 lorsque les républicains espagnols avaient fait évacuer en train de leur pays les plus grands trésors du Musée du Prado et de plusieurs autres grandes collections.
Plus récemment, Genève a accueilli l’an dernier une exposition d’œuvres ukrainiennes. La Suisse, en collaboration avec d’autres pays, a aussi pu soutenir plus de 200 musées en Ukraine, pour les aider à préserver leurs collections après l’invasion russe en février 2022.
AFP
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